Rendez-vous et départ de Continvoir à six heures pour arriver sur le site des Moulins de Paillard une heure plus tard. Shelly fait un accueil Grand Jour, comme à son habitude. Tout paraît encore endormi. Nous installons le grand Tam-Tam Totem avec Louis. Deux fidèles des marches arrivent, rejoints peu de temps après par une voisine et deux enfants. L’équipage du départ est constitué. J’entame et entonne l’ouverture de la cinquième édition des in:entendu·es. Il est sept heure cinquante. Nous sommes en Sarthe, sur les bords du Loir. Le rituel a commencé.
[Musique : Lin-Ni Liao, Tty pour grand tam-tam (2011-2020), bagatelle d • Limēnios, Second Hymne Delphique à Apollon, (128 av. J.C.) – 3e strophe]
Nous prenons le chemin sur les rails de l’ancienne voie de chemin de fer. La flore, variée sur les bas-côtés, ravit tout ce petit groupe. J’esquisse quelques chants simples pour se mettre en voix, et en attendant de retrouver nos chanteuses. Elles, nous attendent déjà à notre prochain point de chute.
Comme souvent, nous manquons de manquer, entraînés par nos chants, une bifurcation pour rester sur le bon itinéraire. Heureusement Jean-Louis veille ! Nous sinuons entre Sarthe, Loir-et-Cher et Indre-et-Loire. Nos deux jeunes filles sont guidées elles par la promesse des agapes à l’arrivée. Paraît que la Boulangerie de Couture est ouverte aussi ! La pluie fait un peu son apparition. Les imperméables sont sortis, pour celles qui en ont. Un passage à gué au Moulin de la Flotte indique que la destination approche. Nous prenons le temps d’une halte calorique à l’Isle Verte, où Ronsard venait souvent et aurait aimé été enterré. Puis le bourg de la commune nouvelle et nouvellement nommée est là. Au loin déjà on aperçoit le Manoir de la Possonnière (longue discussion avec Anouk et Marie pour être sûr qu’il ne s’agit pas de la Poissonnière…).
Arrivées une demie-heure plus tard que prévu, un repas loin d’être frugal nous attend toujours, préparé avec beaucoup de générosité par notre hôtesse, Anne. L’autre Marie — la nôtre ! — nous attend en compagnie d’Ophélie et Catherine. Louis est bien sûr là pour l’intendance. Les quelques gouttes persistantes sont déjouées en trouvant abri dans la grange du manoir. Notre Marie chante les mots de la seule mélodie conservée d’une trobairitz, dans la maison natale de Pierre de Ronsard. C’est certain : nous sommes bien dans les Marches en Poésie.
[Musique : Beatritz de Dia,« A chantar m’er de so q’ieu no volria, tant me rancur de lui cui sui amia… » (12e siècle)]
Après une visite des grandes caves attenantes aux jardins, nous reprenons la route, à flanc de coteau. Grand moment de bravoure lors qu’il nous faut gravir dans une forêt touffue le sentier de la Vallée aux Clercs. Le chemin n’est pas praticable tout du long. Nous trouvons une alternative en coupant à travers champs. Les chaussures commencent à mouiller. Finalement, la vision de l’ancien Prieuré de Villedieu-le-Château arrive rapidement et rassure. Catherine et son assistant anti-vent Louis nous y attendent depuis assez longtemps. Quelque public est présent également. Les deux pièces sur clavier passent rapidement car il nous faut vite repartir aux champs et en chants. Des nouveaux marcheurs et marcheuses, rassurées de pouvoir être véhiculées sur le retour, se joignent à nous pour les neuf kilomètres nous séparant de Chemillé-sur-Dême. Les locaux nous conseillent la route la plus directe.
[Musique : Jean-Sébastien Bach, Prélude en si mineur, BWV 869 (1722) · Galina Oustvolskaïa, Prélude X (1953)]
La campagne du fin fond du Nord de la Touraine est incroyablement belle, reposante, lumineuse — malgré la bruine persistante ; elle paraît presque sauvage — malgré les signes qui racontent le façonnage par la main du paysan. En l’absence de Marie, partie en voiture préparer la suite, Ophélie entraîne le groupe avec des chants parfois réservés aux adultes. Les histoires de campagne aiment se raconter en détails croustillants, sanglants ou paillards. Le groupe tient bon la distance, alors que de nombreuses embûches nous guettent (gués impraticables, sentiers enfouis sous la végétation, ventres qui gargouillent…). Nous savons que l’apéro est déjà en préparation sur notre point d’arrivée.
Chemillé-sur-Dême enfin, alors que le soleil semble avoir vaincu son bras de fer avec les nuages gris. L’hôtesse est cette fois-ci Sophie, qui ouvre grande son jardin et sa maison, sur la place de l’église du village. Les uns comptent leurs coups de soleil, les autres se désaltèrent à grand renfort de bière fraîche. Antoine nous a rejoints pour installer le dispositif électroacoustique. Je plaisante sur la tenue sportive de notre chanteuse. Les J.O. commencent ici, aux in:entendu·es ! Chut, le concert va commencer. Au bout de ce marathon olympien, les effets d’annonce de M’dame Lucie médusent le public.
[Musique : Lucie Prod’homme, Effet d’annonce pour voix, piano et électroacoustique (2021)]
Quelques mètres plus loin, le Foyer Bois Soleil nous accueille pour y poser nos paniers pique-nique. Nous sommes plus nombreux que prévus. Pas d’inquiétude : les bocaux se partagent avec toutes et tous, les locaux. Chacun·e mange à sa faim. L’animatrice Élodie est pétillante ; nous nous sentons comme chez nous dans cette résidence pour personnes âgées de petite dimension. La vingtaine de pensionnaires nous attendaient avec impatience. Sitôt le café avalé, nous nous mettons en place pour un concert comme à la maison. La voix lyrique de notre mezzo-soprano emplit toute la salle de convivialité. La voix solaire de notre soprano fait valser les plus aguerries. On se croirait au Bal Caboulot, comme dans la chanson. On a bien fait, on a bien fait d’en profiter.
[Musique : Fanny Hensel (Mendelssohn), Schwanenlied (1846) · Mel Bonis, Elève-toi, mon âme (1894) · Jean-Baptiste Apéré, deux mélodies extraites de C’est la vie (2024)
L’après-midi se finit gaiement dans cette chorale improvisée qui reprend d’une seule et même voix nostalgique Le petit vin blanc, Les Champs-Élysées, La java bleue etc.
La route n’ira pas plus loin pour nos jambes fatiguées. Dix-sept heures passées, nous oublions l’arrêt à l’Espace Naturel de Vienne. Les voyages s’organisent entre plusieurs véhicules pour ramener qui à Villedieu, qui à La Possonnière, qui aux Moulins de Paillard, qui à Neuvy-le-Roi. J’y arrive juste à temps pour ouvrir la salle Armand Moisant à dix-huit heures, en vue d’un vin d’honneur d’ouverture du festival. Nous nous y retrouvons à quatre personnes. Le programme de la journée était dense. Et ce n’est que le début d’une semaine folle de festival…